martes, 24 de enero de 2012

Le pont

Il regardait par-dessus le parapet du pont, à la recherche d'une eau qui n'existait pas, ou plus. L'ozone montait doucement à son nez et il ne voyait qu'un lit jonché de pierres grises et de branches chariées par un courant presque inexistant. Plusieurs jours qu'il passait par là, et s'arrêtait. Il se demandait bien pourquoi il y avait là un pont, si énorme, qui surplombait... rien. Un peu comme sa vie finalement. Il cherchait à joindre les deux bouts, chaque mois, pour en arriver à la conclusion que le tout était bien de jouer. Parce que pour ce qui était de trouver une raison à son activité...
Chaque jour le pont était là, métalique, imposant, orné de statues et de gravures, recouvert de poussière, de boue, de papiers gras, de pisse. Celle des chiens errants, nombreux, et des clodos, alcoliques abandonnés aux joie de la détresse non partagée, compagnons des nuits froides des chiens. Il les voyaient, les chiens, gambader fièrement, un sac poubelle dans la gueule, comme revenant du supermarché. Ils se réunissaient parfois, et éventraient leurs sacs, pour en dévoiler les trésors gastronomiques. La couche de bébé, les restes du restaurant pré digéré, les paquets de clopes vides, oxyde carton blindé, des oignons, toute une galaxie de alimentaire équilibrée sur tons marrons méconnaissables.
Un autre jour et l'eau ne revenait toujours pas. Le fleuve, ce qu'il en restait, clapotait mollement contre les mollets du recycleur. Il portait un cabat disproportionné, le remplissant des bouteilles plastiques et autres vestiges pétrolifères des mannes du faible courant, huileux comme une vidange. Le recycleur leva les yeux et lui sourit. Un sourire édenté comme il y en a tant dans les eaux du fleuve en ville.
Il ne souriait pas, lui. Il resta figé, rebuté, malgré lui. Il se sentait comme piègé. Il devrait répondre, et peut-être même entamer la conversation, tailler le bout de gras... à propos de... ? Cela l'impliquerait dasn une relation qu'il voulait surtout éviter. Pas qu'un recycleur ne vaille pas mieux qu'un golden boy du centre financier, non. Seulement, c'était un être humain. Et lui ne venait ici que pour regarder l'eau disparue, ou presque.
Une fois encore, l'humainté se défilait, son humanité, et il se glissa dans le premier bus qui passait par là. En espérant que demain, il n'y aura personne.

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